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Le téléphone coupé. Pas d’internet. Pas de notifications. Pas de carte interactive pour me guider. Juste un sac à dos, une tente, quelques vivres et un carnet de notes. Pendant une semaine, je me suis volontairement isolé dans un parc naturel canadien, loin de tout réseau, de toute présence humaine, pour une expérience à la fois physique, mentale et spirituelle. Ces sept jours hors ligne, seul au milieu des forêts et des lacs, m’ont transformé d’une manière que je n’aurais jamais pu prévoir.
Voici mon carnet de bord, brut, sincère, et rédigé après mon retour – mais avec le regard encore habité par les arbres et les silences.
Jour 1 : Le dernier message avant le vide
Je quitte la ville au petit matin. Le bus me dépose à l’entrée du parc national de La Mauricie, au Québec. C’est ici que je passerai les sept prochains jours. Avant de m’enfoncer dans la forêt, j’envoie un dernier message : « Je coupe tout. Ne vous inquiétez pas. À dans une semaine. »
Le premier pas est hésitant. Mon sac est trop lourd, mes jambes sont rouillées, et mes pensées encore encombrées de to-do lists numériques. Les bruits de la forêt me semblent étrangers, presque menaçants. J’avance lentement, cherchant le bon rythme. Le soir venu, j’installe ma tente près d’un lac. Le coucher de soleil est splendide. J’essaie de le capturer… avant de me rappeler que je n’ai pas d’appareil photo.
Je note dans mon carnet : Premier soir sans écran. La nuit tombe vite. Je crois que j’ai peur du silence.
Jour 2 : Déconnexion en marche
Le lendemain, je me réveille avec le lever du soleil. Aucun réveil. Juste la lumière qui filtre à travers la toile. Il fait frais. Je bois un café lyophilisé en écoutant les oiseaux. Mon esprit veut encore vérifier mes mails. Il cherche un signal qui n’existe pas. Les gestes du quotidien deviennent lents, presque méditatifs : filtrer l’eau, replier la tente, préparer le sac.
Je marche plusieurs heures à travers les sentiers sinueux. Pas un bruit humain. Juste mes pas, le bruissement des feuilles, et les craquements des branches sous mes pieds. Vers midi, je m’arrête près d’une chute d’eau. Je m’assois. Je reste là, sans rien faire. Vraiment rien. Ce n’est pas facile. L’esprit cherche à s’occuper. Mais peu à peu, je le laisse s’épuiser.
Le soir, j’écris : Aujourd’hui j’ai regardé une feuille tomber pendant plusieurs minutes. Et c’était fascinant.
Jour 3 : La solitude crue
Le troisième jour est le plus rude. La fatigue s’installe. Il a plu toute la nuit. Mon sac est mouillé, mes pieds aussi. Je glisse sur un rocher, sans gravité, mais la douleur me rappelle que je suis seul. Vraiment seul. Si je me fais mal, personne ne viendra. Il faut être attentif, prudent, humble.
Je ressens un étrange vide intérieur. L’envie de parler à quelqu’un. Même juste échanger un mot, une blague, une plainte. Mais non. Personne. C’est moi et la nature. Et mes pensées, qui tournent en boucle.
Je commence à relire de vieux souvenirs. Des visages oubliés reviennent. Des regrets aussi. La solitude agit comme un miroir grossissant. Je suis face à moi-même. Sans distraction.
Le soir, au bord d’un feu de fortune, j’écris : J’ai parlé à un écureuil aujourd’hui. Il m’a ignoré royalement. Je crois que j’ai besoin d’un câlin.
Jour 4 : Le basculement
Quelque chose change ce quatrième jour. Un relâchement. Le mental lâche prise. Le corps prend le relais. Je ne pense plus à l’heure, ni au lendemain. Je marche parce que j’ai envie de marcher. Je m’arrête parce qu’un arbre me plaît. Je m’allonge sur une pierre chauffée par le soleil.
Les oiseaux ne me fuient plus. Une biche traverse le sentier à quelques mètres de moi. Je ne bouge pas. Je la regarde. Elle me regarde. Puis repart tranquillement. Je me sens accepté. Non pas comme un touriste, mais comme un élément du décor.
Je commence à parler tout bas, à moi-même. Pas pour me distraire, mais comme une forme de dialogue intérieur. Je ne me juge plus. Je suis bien. Serein. En paix.
Je note : Le monde continue de tourner sans moi. Et c’est libérateur.
Jour 5 : Rituels et émerveillement
Mes journées trouvent un rythme : réveil au soleil, petit déjeuner, marche, écriture, observation. Les gestes deviennent des rituels. Je cueille des baies, j’identifie des empreintes. Je retrouve un lien que j’avais oublié avec le monde vivant.
Ce matin, j’ai vu un aigle planer au-dessus du lac. Majestueux. Puis une pluie fine s’est mise à tomber, douce, apaisante. Je me suis abrité sous une falaise. J’ai chanté. Sans raison. Juste parce que ma voix avait envie de vibrer dans cet espace.
Le soir, j’écris : Je commence à comprendre pourquoi les anciens allaient méditer dans les forêts. Il y a quelque chose ici qu’aucun réseau social ne pourra jamais offrir.
Jour 6 : La redécouverte de soi
Je me rends compte que je n’ai pas pensé au monde extérieur depuis deux jours. Mon téléphone est au fond du sac, éteint. Je n’en ressens pas le manque. J’ai cessé de vouloir documenter, partager, raconter. Je vis. Pleinement. Sans témoin. Sans audience. Et c’est doux.
Je redécouvre des choses sur moi : que j’aime marcher seul. Que mon corps est plus fort que je ne le croyais. Que je n’ai pas besoin de grand-chose pour me sentir bien.
Le soir, sous les étoiles, je me surprends à pleurer. Pas de tristesse. D’émotion pure. De gratitude. Ce silence est devenu un compagnon. Cette nature m’a réappris à respirer.
Je note : Je suis seul, mais je ne suis plus isolé. Je suis connecté à quelque chose de plus vaste.
Jour 7 : Le retour au monde
Le dernier jour, je ressors de la forêt. Le chemin me ramène lentement vers la civilisation. Une route apparaît. Puis un parking. Puis une station de bus. Les premiers visages humains. Les premiers sons de voitures. Les premiers panneaux.
Je rallume mon téléphone. Une avalanche de notifications. Des appels manqués. Des messages. Des nouvelles du monde. Il me faut du temps pour revenir. Tout semble aller trop vite. Trop fort. Trop bruyant.
Dans le bus, je regarde les gens scroller frénétiquement leurs écrans. Je me demande combien de temps je pourrai conserver ce calme intérieur. Mais je sais une chose : cette expérience m’a changé. En profondeur.
Je note : Je repars vers le monde. Mais j’emmène la forêt avec moi.
Une aventure que chacun devrait vivre
Passer une semaine seul, sans connexion, dans la nature, est une forme de retraite puissante. Ce n’est pas toujours facile. Il y a des moments de doute, de froid, de solitude extrême. Mais c’est aussi un voyage vers soi. Une réinitialisation mentale. Une reconnexion avec ce qui est essentiel.
On parle beaucoup de « se déconnecter » aujourd’hui. Mais il ne s’agit pas seulement de fuir les écrans. Il s’agit de faire de la place. Pour le silence. Pour la lenteur. Pour la beauté des choses simples. Pour le vivant.
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